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Des biocapteurs à points quantiques pourraient sauver des vies

Une équipe de l'UdeS cherche à développer des biocapteurs de microorganismes pathogènes présents dans l'eau

Le professeur Jan J. Dubowski
Le professeur Jan J. Dubowski
Photo : Michel Caron

22 janvier 2009

Marty K. Meunier

Lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a présence de microorganismes pathogènes dans l'eau potable ou dans l'air, les procédures microbiologiques sont longues et inappropriées. «La science a fait très peu de progrès depuis l'époque de Pasteur», souligne le professeur Jan J. Dubowski, du Département de génie électrique et de génie informatique. Les tests rapides disponibles sur le marché sont actuellement spécifiques pour un seul microorganisme à la fois. En conséquence, le dépistage de plusieurs microbes potentiels dans l'eau devient très coûteux. Toutefois, la situation pourrait changer dans les prochaines années grâce aux travaux que mène une équipe de l'UdeS et du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

Dernièrement, cette équipe a reçu le soutien de NanoQuébec, de l'Agence spatiale canadienne, de l'Institut canadien pour l'innovation en photonique, de Magnor inc. et de la Chaire de recherche du Canada en semi-conducteurs quantiques, qui ont accordé une somme de 244 000 $ sur deux ans au projet de biocapteurs à semi-conducteurs quantiques pour la détection rapide et la quantification de microorganismes pathogènes dans l'eau potable.

L'idée de la détection est basée sur la mesure de l'émission optique des nanocristaux semi-conducteurs qui est modifiée très fortement si une biomolécule comme un virus est immobilisée sur la surface d'un point quantique. L'équipe du professeur Dubowski a découvert que le processus de détection biologique devient efficace si les points quantiques sont organisés en forme de réseau à deux dimensions. «Nous avons déjà décelé rapidement le virus de la grippe par cette méthode en cours d'homologation de brevet», affirme le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en semi-conducteurs quantiques.

La subvention octroyée par NanoQuébec permettra de compléter une série de tests sur la détection de bactéries dans l'eau potable. Si la démonstration de la méthodologie fonctionne comme prévu, la technologie sera transférée à Magnor inc. Cette entreprise de Boucherville conçoit et fabrique des appareils innovateurs, dont des dispositifs portatifs visant l'amélioration de la qualité de l'eau.

Maladie du légionnaire

Des épisodes récurrents de contamination de l'eau potable par des microorganismes ont fait plusieurs victimes. On peut penser au drame de la municipalité de Walkerton en Ontario où sept résidents sont morts après avoir bu de l'eau infectée par la bactérie E. coli. Autre cas bien documenté : en 1976, 34 personnes mouraient après avoir été contaminées par une bactérie transportée par le système d'air climatisé de l'hôtel où avait lieu le congrès de l'American Legion de la Pennsylvanie. L'affection respiratoire qui allait plus tard être connue comme la maladie du légionnaire avait également indisposé plus de 221 participants de ce congrès.

Identifiée six mois plus tard, la cause de la maladie était la bactérie Legionella pneumophila. Cette bactérie se propage par les systèmes de ventilation des immeubles et prolifère dans l'eau stagnante et tiède. Lorsque l'air circule, elle charrie des gouttelettes d'eau contaminées qui peuvent voyager dans tout l'immeuble et être inhalées, ce qui permet à la bactérie de pénétrer dans le poumon, provoquant une pneumonie.

Présentement, les méthodes de détection sont incapables de mesurer rapidement la contamination dans la tuyauterie, particulièrement l'eau chaude, et les systèmes d'air climatisé. Les tests de culture pour déceler la présence de Legionella peuvent durer jusqu'à 10 jours et requièrent la présence de techniciens hautement qualifiés. En conséquence, le développement d'outils pour gérer les systèmes de plomberie dans les édifices publics de même que pour le contrôle de la qualité de l'eau dans les stations de traitement devient une nécessité pour détecter promptement Legionella et d'autres microorganismes pathogènes.

Équipe multidisciplinaire

Les travaux de l'équipe de Jan J. Dubowski détermineront en quelques minutes seulement s'il y a présence de bactéries ou de virus dans l'air ou l'eau en utilisant une technologie de biocapteurs basés sur des semi-conducteurs quantiques. Ces recherches permettront de détecter et d'identifier les virus et bactéries responsables des maladies d'acquisition communautaire – dans des édifices publics par exemple – et les infections nosocomiales, développées 48 heures après l'admission d'un patient dans un hôpital. «Si les femmes peuvent savoir en quelques minutes à partir d'un test de grossesse si elles sont enceintes, je ne verrais pas pourquoi les médecins ne pourraient pas, à partir d'un dispositif portatif installé dans leur bureau, identifier clairement lors d'une consultation si le patient est victime d'un virus ou d'une bactérie», mentionne le professeur Dubowski.

L'équipe de Jan J. Dubowski est composée de deux professeurs de la Faculté de médecine et des sciences de la santé, Éric Frost, microbiologiste, et Sophie Michaud, microbiologiste-infectiologue, de même que d'une étudiante à la maîtrise en génie électrique et en génie informatique, Valérie Duplan, biologiste de formation.